"L’Arménie fait figure de monnaie d’échange entre la Russie et la Turquie"© Alexander Patrin/TASS/Sipa USA/SMarianne : Une guerre sanglante au Nagorny Karabakh, en 2020, s’est achevée par un accord de cessez-le-feu sous l’égide de la Russie, qui s’avère précaire. D’autant que l’Azerbaïdjan est reparti à l’offensive le mois dernier, sur le territoire même de l’Arménie, faisant plus d’une centaine de morts. S’agit-il d’une nouvelle guerre qui s’ouvre, cette fois-ci entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan ?Tigrane Yégavian : Il ne s’agit pas, selon moi, d’un conflit bilatéral entre ces deux pays voisins du Caucase, mais bien d’un conflit mondialisé, d’une sorte de « billard à plusieurs bandes » entre grandes puissances impérialistes – la Russie et la Turquie – dans lequel l’Arménie fait figure de monnaie d’échange, ou de variable d’ajustement. En 2020, à la faveur du conflit au Karabakh, où elle s’est refusée à intervenir, la Russie a obtenu ce qu’elle n’avait pu gagner en 1994, au moment de la première guerre du Karabakh : une force d’interposition, au prétexte d'une population civile à défendre. Mais, loin de vouloir défendre les Arméniens du Karabakh, Moscou veut avoir un levier de pression sur Bakou et revenir en force dans son « étranger proche ». La Russie récupère ce qu’elle considère comme sa zone d’influence. Mais aux yeux des Azéris, il s’agit d’une force d’occupation. Le Karabakh est devenu une province russe sans statut, où le russe est désormais deuxième langue officielle, une sorte de protectorat à l’instar de la Transnistrie en Moldavie ou encore de l’exclave de Kaliningrad.Mais cette situation ne convient pas à l’Azerbaïdjan, qui ne cesse au Karabakh de grignoter les zones arméniennes, et s’en prend même directement à l’Arménie.